Que les bretons ne s'offusquent pas de ce titre, je ne parle pas ici de nos amis aux chapeaux ronds mais bien de notre ministre des finances, Thierry Breton, et de la fusion-absorption comme on dit annoncée avec une précipitation suspecte entre GDF et Suez. Il n'est certes pas le seul, puisque c'est ici tout le gouvernement qui prend les français dans leur ensemble et les salariés de GDF en particulier pour des cons, mais il le fait avec une telle assurance, et toujours avec le sourire, qu'il pourrait incarner à lui seul ce mépris que semblent avoir nos politiques pour leurs concitoyens.
Outre le fait que cette opération signe clairement, minorité de blocage ou pas, la privatisation de GDF, qui semble avoir été décidée comme ça, sur un coin de table, un samedi après-midi ou un vendredi soir un peu trop arrosé, sans aucun débat public sur une question que même notre premier ministre considère pourtant comme stratégique et qui semble motiver cette opération de sauvetage précipitée, l'indépendance énergétique;
Outre le fait que cette opération conduit à revenir sur la promesse faite par un certain Nicolas Sarkozy, alors prédécesseur du fameux Breton, au moment de l'ouverture du capital de GDF, en mai 2004, et concrétisée par la loi du 9 août 2004 qui stipulait que la part de l'Etat ne pouvait pas descendre sous les 70% dans GDF et EDF;
Outre le fait que, drôle de renversement des valeurs, c'est un gouvernement de droite qui, au nom du patriotisme économique, envoie au secours d'une entreprise privée une entreprise publique (et dire qu'il y a quelques années, un certain Lionel J. avouait presque honteusement qu'en matière économique, le politique ne pouvait plus grand chose);
Outre le fait que, à l'inverse du discours politique tenu, dans les faits, c'est bien Suez qui va absorber GDF, compte-tenu des parités retenues afin de garantir à l'Etat de garder au moins 34% de participation dans le nouveau groupe ainsi constitué (Suez devant in fine peser environ 60% du nouvel ensemble et son actuel PDG devant logiquement prendre les commandes du nouveau-né), et qu'il est donc un peu osé de parler de nationalisation (j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ici ou là qu'à partir du moment où du capital privé entre dans une entreprise publique, ne fusse qu'à hauteur de 20%, cette dernière est obligée de se comporter comme une entreprise privée dans sa gestion quotidienne, et c'est bien d'ailleurs l'un des buts souvent inavoués, comme l'illustre à merveille l'histoire récente de France Télécom à partir de 1997);
Outre le fait que l'on a délibéremment interdit à deux entreprises qui affichaient pourtant des synergies évidentes, une culture commune, des entités communes, une histoire commune, de fusionner pour créer un véritable groupe multiénergies mondial, je parle bien évidemment d'EDF et de GDF (il existe même une entité EDF-GDF Distribution qui ne comporte rien moins que 60 000 salariés et dont on se demande bien ce qu'elle va maintenant devenir) et que l'on nous explique maintenant tout le bien qu'il faut penser de ce nouvel attelage que l'on nous propose;
Outre le fait que le gouvernement va donc maintenant devoir gérer non pas un mais deux champions nationaux avec des participations publiques importantes qui vont être en concurrence frontale, ce qui n'est pas loin de friser l'absurdité;
Outre donc tous ces points sus-cités, le fait que Suez est historiquement issue de la fusion de La Compagnie de Suez et de La Lyonnaise des Eaux, et que cette dernière a été pendant des années un des grands mécènes désintéressés de la vie politique française n'a bien sûr rien à voir avec l'empressement de nos politiques à venir au secours du groupe de Gérard Mestrallet. Il eût peut être été désagréable de voir certains vieux dossiers trainant dans de vieux tiroirs tomber dans des mains étrangères...
Décidemment, ce gouvernement me prend pour un con.
Lionel qui ?
Rédigé par : Paxatagore | 01/03/2006 à 20:58
@ Paxa
Un non-candidat qui sillonne la France lors d'une non-campagne autour d'un non-projet. Enfin c'est ce qui ce dit...
Rédigé par : Krysztoff | 02/03/2006 à 11:16
> Décidemment, ce gouvernement me prend pour un con.
Il nous prennent tous pour de con, mais bon c'est pas nouveau :(
Dommage que Thierry BRETON n'ai pas ouvert son BLOG, remarque y'a devedjian (les commentaires sont ouverts), tu peux toujours lui poser la question ? :D ++
Rédigé par : ~laurent | 02/03/2006 à 14:12
Entendu hier dans un colloque sur le changement climatique (si, il y a un rapport) : lors du Premier Vol de l'A380, les colonnes de Libération vibraient de ferveur cocardière ... tandis que les journalistes de Libération exprimaient leurs doutes sur ce projet dans les colonnes de leurs blogs.
Rédigé par : FrédéricLN | 04/03/2006 à 08:50
@ FrédéricLN
Euh, je le vois pas le rapport... Vous pouvez m'expliquer?
Rédigé par : Krysztoff | 05/03/2006 à 14:35
excuses : tout simplement, par analogie avec le cas de l'A380, j'aimerais comprendre si la quasi unanimité médiatique sur le "beau projet industriel Suez-GDF" est plutôt le reflet d'une réalité et/ou l'expression de la doxa du milieu des annonceurs ?
Rédigé par : FrédéricLN | 06/03/2006 à 08:51
J'aurais plutôt tendance à pencher pour la seconde hypothèse...
Grand étonnement la semaine dernière, d'entendre la chronique de Bernard Guetta sur Inter se faisant le chantre du patriotisme économique tout en tentant, par de multiples circonvolutions réthoriques, de nous montrer que tout cela n'avait rien de contradictoire avec un attachement à la construction européenne... Tout est possible!!!
Rédigé par : Krysztoff | 06/03/2006 à 10:00
... Tout est possible ... même le pire :)
Rédigé par : ~laurent | 07/03/2006 à 00:17