Qu'une secrétaire d'Etat déclare : "Je le dis aussi en tant que fille d'immigrés, y en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve ça dégueulasse" et voilà tout ce beau monde de professionnels de la politique de jouer les vierges effarouchées devant un tel langage bien peu châtié. Et le premier d'entre eux, P. Devedjian, de s'offusquer: "ce n'est pas bien d'injurier les membres de la majorité, c'est à dire ceux qui soutiennent le gouvernement". Tiens, bien placé celui-là pour donner des leçons de politesse et de bonne tenue. Parce que, évidemment, tant que c'est off, on peut dire ce que l'on veut et traiter une adversaire politique de "salope". Mais en public, grand dieu, vous n'imaginez pas! On va lui apprendre les bonnes manières à cette beurrette bleuette. Et celle qui va s'en charger, c'est N. Morano: "La liberté de parole s'accompagne d'un devoir de politesse". Elle aussi, bien placée pour faire la morale, elle qui doit son exposition médiatique en grande partie à une gouaille assumée et revendiquée et qui s'était d'ailleurs fait remettre à sa place par le futur président de la République en début de campagne pour avoir "grossièrement interpellé Ségolène Royal". Elle a donc bien retenu la leçon du chef.
Et bien en fait, moi aussi je trouve cette histoire d'ADN et d'immigration un peu dégueulasse, n'en déplaise aux oreilles soudainement bien sensibles de M. Devedjian et de Mme Morano (l'avantage que j'ai sur Fadela Amara c'est qu'ils ne devraient pas venir me donner des leçons de politesse).
On peut disserter des heures sur les fondements juridiques ou non de ce recours aux tests ADN, et certains le font bien mieux que moi. Mais commencer à discuter de la conformité juridique de cet amendement, c'est déjà en accepter le principe. Or c'est bien sur le principe même que cette initiative est proprement "dégueulasse". Le Comité consultatif national d'éthique ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Effectivement, comme le dit si bien F. Fillon, ce n'est d'un détail. Mais le diable se cache bien souvent dans les détails. Et ce détail dénote, après bien d'autres, tel la conception de la pédophilie très particulière de N. Sarkozy, l'importance croissante de la rhétorique génétique dans l'opinion publique. Dernier exemple en date, les déclarations hallucinantes d'un prix Nobel de médecine sur l'infériorité intellectuelle prétendument génétique des populations noires sur les populations blanches. Lier filiation en droit et filiation génétique est incroyablement réducteur. Introduire subrepticement les tests génétiques hors de toute procédure judiciaire est également annonciateur de dérives que l'on ose à peine imaginer. C'est justement par ce genre de petits détails, de petits pas, que l'on prépare le terrain à des bonds en arrière immenses. Voilà ce qui est dégueulasse.
Sans parler des arguments avancés par T. Mariani qui, une main sur le coeur (et l'autre tendue aux plus xénophobes de son électorat), jure que tout cela n'est que pour le bien des personnes concernées. Ca aussi, Fadela Amara ne l'a pas dit, mais c'est également "dégueulasse".
Et puisque nous y sommes, il y a bien d'autres choses "dégueulasses" ces derniers temps dans l'actualité.
Comme cet amalgame entre Chevènement et Maurras que notre "philosophe"(sic) préféré des médias, BHL, s'acharne à prouver dans son dernier ouvrage. Parce que vous comprenez, non content d'être responsable de l'échec de Jospin en 2002, et bien Chevènement a récidivé en 2007 auprès de S. Royal. Allez, pour le plaisir, je laisse la parole à R. Aron, en 1981, après la parution de l'Idéologie Française, du même dit philosophe: "Un auteur qui emploie volontiers les adjectifs infâme ou obscène pour qualifier les hommes et les idées invite le critique à lui rendre la pareille. Je résisterai autant que possible à la tentation, bien que le livre de Bernard-Henri Lévy présente quelques-uns des défauts qui m'horripilent : la boursouflure du style, la prétention à trancher des mérites et démérites des vivants et des morts, l'ambition de rappeler à un peuple amnésique la part engloutie de son passé, les citations détachées de leur contexte et interprétées arbitrairement."
Comme ce comportement d'intouchables (par la justice, mais aussi par le simple sens moral) des dirigeants d'EADS qui ont eu l'incroyable intuition de vendre leurs stock-options juste avant le crash boursier d'Airbus. Vous en connaissez beaucoup vous des soit-disants entrepreneurs qui ont perdu de l'argent en vendant leurs stock-options? Par contre, je connais quelques salariés d'Airbus et surtout de ses sous-traitants qui ont perdu beaucoup dans cette histoire. Il fut un temps, il y a longtemps dans l'histoire du capitalisme, où la prise de risque était réelle chez les capitalistes. Aujourd'hui, le risque est quasi nulle pour cette nouvelle aristocratie de l'argent. Mais comme disait il y a quelques années une publicité célèbre: "100% des gagnants ont tenté leur chance".
Ou encore comme ce jeu du "plus menteur que moi tu meurs" entre les représentants, actuels et anciens de l'UIMM et du patronat et les secrétaires généraux des principaux syndicats. Ainsi donc, dans le dialogue social, la vaseline a la couleur de l'argent. Fluidifiez, fluidifiez messieurs les partenaires sociaux. Si j'étais vulgaire, je dirais que pendant ce temps-là, ce sont toujours les mêmes qui se font en...tubés. Mais comme je ne le suis pas je me demande juste ce que pense l'ouvrier d'Airbus ou de Renault en voyant passer ces valises de billets. Heureusement que lui, il a l'euro-millions. Après tout, il a peut-être une chance de gagner un jour. Une sur quelques millions.
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